Les proscrits de Die Linke, par Marion Van Renterghem

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LE MONDE | 26.02.09 | 13h16  •  Mis à jour le 26.02.09 |

Sylvia-Yvonne Kaufmann  est mal à l'aise. Au Parlement européen, la députée allemande se sent un peu seule à défendre le traité de Lisbonne quand ses camarades du groupe GUE (Gauche unitaire européenne) s'élèvent unanimement contre. Un peu seule quand son parti de gauche radicale, Die Linke, déploie son énergie pour contester le traité devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe : Sylvia-Yvonne Kaufmann fut l'un des membres de la Convention chargée d'établir un projet de Constitution européenne (2002-2003), qu'elle a contribué à rédiger. Jusqu'ici, elle s'en est arrangée. Assez souple pour conjuguer sa fidélité au parti et sa passion européenne.

Cette fois, Mme Kaufmann est carrément navrée. Le programme électoral de Die Linke pour les élections européennes, qui doit être voté en congrès à Essen ce week-end, est, selon ses termes, d'un "antieuropéanisme désolant". A lire la plate-forme soumise au congrès, l'Union européenne est responsable des guerres, de la dégradation de l'environnement, des problèmes sociaux, de la crise bancaire, de tout. "C'est bien de critiquer, mais la gauche se fourvoie à tout mettre sur le dos de l'Europe", note-t-elle avec ses yeux bleu délavé.

Bizarrement, Sylvia-Yvonne Kaufmann ne figure pas sur la liste provisoire des seize candidats de Die Linke aux élections européennes. Tout aussi bizarrement, son collègue André Brie, comme elle eurodéputé depuis dix ans, modérément opposé au traité de Lisbonne, mais farouchement favorable à une forte intégration européenne, est lui aussi écarté de la liste. Sur les sept élus actuels de Die Linke au Parlement européen, deux ne se représentent pas, quatre ont disparu, et une seule, Gabi Zimmer, est reconduite. Au parti, on assure que les choix ont été faits en fonction de la pure répartition territoriale. Rien à voir avec la politique. Mme Kaufmann note juste qu'elle a donné de la voix pour le traité de Lisbonne. Quant à M. Brie, il n'a pas l'habitude de mâcher ses mots, quitte à contrarier, lui aussi, la ligne du parti.

Les proscrits de Die Linke n'ont pas rendu les armes. La liste de la direction du parti doit être validée au congrès. Mme Kaufmann, comme M. Brie ont proposé des amendements au programme. "Le problème est que quelques amendements ne changeront pas grand-chose, c'est la tonalité entière qu'il faudrait corriger", dit-elle.

Sylvia-Yvonne Kaufmann, comme André Brie, vient de l'est de l'Allemagne. Comme lui, à la chute du Mur, elle a participé à la transformation du SED, le Parti communiste au pouvoir en Allemagne de l'Est, où elle militait depuis ses 21 ans, en Parti socialiste démocratique (PDS). Puis à la formation de Die Linke, née en 2007 de la fusion du PDS et des déçus antilibéraux du Parti social-démocrate (SPD), et qui a le vent en poupe. Ce n'est pas un programme "désolant" sur l'Europe qui la fera partir. "Que voulez-vous ? Ce parti, c'est ma vie."

 

Marion Van Renterghem

 

Publié dans Union Européenne

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