Coup d’État sanglant en Guinée-Bissau
le 3 mars 2009
Monde
Coup d’État sanglant en Guinée-Bissau
Tout a commencé dimanche, quand un groupe de soldats a attaqué le quartier général de l’armée et tué le chef d’état-major, le général Batista Tagmé Na Waié, avant de prendre la fuite. « Nous allons poursuivre les assaillants et nous venger », avertissait alors le porte-parole des forces armées, Samuel Fernandes.
Accusé du meurtre du chef d’État-major
Accusé d’être derrière le meurtre de son chef d’état-major, le chef de l’État Joao Bernardo Vieira, dit Nino, 69 ans, figure de la lutte de libération contre le colonialisme portugais, a été tué à son tour hier matin et sa résidence pillée. Juste avant, il avait refusé une offre des diplomates angolais lui proposant de se réfugier dans leur ambassade. « Le président Vieira a été tué par l’armée au moment où il tentait de fuir sa maison attaquée par un groupe de militaires proches du chef d’état-major, Tagmé Na Waié, ce matin », a déclaré le responsable des relations extérieures de l’armée, le capitaine de frégate Zamora Induta. « Le pays va - démarrer maintenant. Cet homme a bloqué tous les élans dans ce petit pays », a-t-il ajouté.
Quelques heures après la mort du chef de l’État, l’armée a publié un communiqué assurant qu’elle « respectera l’ordre constitutionnel et la démocratie », et a annoncé la mise en place d’« une commission composée de chefs militaires » pour « gérer la crise ». Le Portugal, ex-puissance coloniale, a condamné « avec véhémence cet attentat, tout comme les actes de violence perpétrés depuis dimanche en Guinée-Bissau ». L’Union africaine a également condamné « fermement cet acte criminel ».
Pourtant, après le bon déroulement des élections législatives de novembre 2008, remportées par le leader du PAIGC et opposant au chef de l’État, Carlos Gomez Junior, qui fut nommé, le 25 décembre 2008, premier ministre, d’aucuns se sont mis à espérer en l’ouverture d’une ère de stabilité institutionnelle et politique. Mais, très vite, l’abandon du pacte de stabilité liant les différentes forces politiques a fait place au retour des tensions. Le 23 novembre, le chef de l’État est l’objet d’une tentative d’assassinat par des militaires. Début janvier, c’est le général Na Waié, avec qui le courant ne passe plus (il faisait partie de la junte ayant renversé, en 1999, Bernado Vieira), qui est à son tour l’objet d’une tentative de meurtre par des membres de la garde présidentielle qui ont tiré sur lui sans le toucher. Chacun des deux protagonistes accusant l’autre de vouloir le liquider !
Depuis son indépendance en 1974, l’histoire de ce petit pays de 31 000 km², coincé entre le Sénégal et la Guinée, peuplé de moins de 2 millions d’habitants, classé troisième pays le plus pauvre au monde, a été caractérisée par une instabilité chronique. Le Parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui a dirigé ce pays, n’a en fait pas survécu à son fondateur, le charismatique dirigeant Amilcar Cabral, assassiné en 1973 par les services portugais à Conakry. Très vite, le PAIGC s’est divisé en plusieurs tendances sur fond de rivalités ethniques entre les Balante et les Papel. À la suite du renversement du premier président de Guinée-Bissau et du Cap-Vert, Luis Cabral, en 1980, par Bernardo Vieira, le Cap-Vert s’est séparé de la Guinée-Bissau. Vieira sera renversé à son tour en juin 1999, après trois tentatives de coup d’État (1983, 1985, 1993). Le pays plonge alors dans la guerre civile et le chaos.
Chassé du pouvoir, Bernardo Vieira y revient en 2005, par la voie des urnes et sans l’appui du PAIGC. Isolé, usant de méthodes peu démocratiques, il avait été l’objet, avant l’épilogue sanglant d’hier, d’une énième tentative de renversement par la force en août 2008…
Hassane Zerrouky
Source: http://www.humanite.fr/2009-03-03_International_Coup-d-Etat-sanglant-en-Guinee-Bissau