Le Sri Lanka, sous l’influence de l’Inde

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Analyses

Personne ne contestera le rôle de l'Inde dans la crise ethnique du Sri Lanka. Après tout, c'est l'Inde qui, au début des années 1980, a entraîné, armé et financé de nombreux groupes militants tamouls pour lutter contre le gouvernement sri lankais. C'est l'Inde, qui est venue à la rescousse des Tigres Libérateurs du Tamil Eelam (LTTE) et d'autres groupes militants, lorsque les forces de sécurité sri lankaises étaient sur le point de capturer le fief des Tigres tamouls, Vadamarachchi, en 1987. C'est aussi l'Inde, qui a imposé au Sri Lanka le 13ème amendement de la Constitution, lors de la signature du pacte indo-sri lankais, en 1987. Même après que Rajiv Gandhi, l'ancien Premier Ministre indien, qui avait intimidé le Sri Lanka pour qu’il accepte l’amendement, a été tué dans un attentat-suicide, l'Inde a continué de jouer son rôle dans les deux camps.

Bien que l'Inde ait inscrit la LTTE parmi les organisations terroristes à des fins stratégiques, il entretient certains liens secrets avec cette organisation. Lorsque la LTTE a assiégé Jaffna en 2000, l’Inde, en réponse à un appel du gouvernement sri lankais, a demandé aux Tigres de ne s’emparer de Jaffna. Cet exemple est le plus significatif.

L’intervention de l’Inde en faveur de la LTTE en 1987 et en faveur du gouvernement sri lankais en 2000, montre qu’elle jouait un rôle dans les deux camps. La seule fois où elle avait une position claire et ferme est lorsque Rajiv Gandhi a envoyé plus de 100 000 membres des forces indiennes de maintien de la paix au Sri Lanka en 1987, suite à la signature de l'accord indo-sri lankais. Cependant même au cours de cette période, des rapports de l'Inde ont révélé que le service de Renseignements Généraux Indiens (RAW) avait interdit les forces indiennes de capturer ou de tuer le leader de la LTTE, V.Prabhakaran, bien que l’occasion se soit présentée à deux reprises.

C'est en raison de ce double jeu de l'Inde, la plupart des politiciens du Sri Lanka affirment honteusement que « l'Inde est notre meilleur ami », l’Inde et le Sri Lanka savent pertinemment que ce sont des paroles en l’air, qui sont sujettes à l'opportunisme et aux exigences politiques.

La semaine dernière, les nationalistes cinghalais marxistes, le Janatha Vimukthi Peramuna, ont lancé un appel indiquant que l'Inde n'avait toujours pas renoncé à son double jeu, ce parti a par ailleurs décidé d’entamer une campagne nationale de boycott des produits indiens.

Beaucoup de gens pensent que c’était pour apaiser l'Inde que le gouvernement, le 23 janvier, a accepté de déléguer les pouvoirs au Nord et à l'Est de l’île, d'abord par le biais du 13ème  amendement et ensuite par la proposition finale de la Conférence de Tous les Partis.

Le chef du JVP, Somawansa Amerasinghe, un virulent opposant à la dévolution du pouvoir, a déclaré lors d’un rassemblement public, la semaine dernière, que son parti estimait que le gouvernement de Mahinda Rajapaksa, sous prétexte de décentraliser le pouvoir, cédait en réalité le pas à «l' expansionnisme indien. »

Il a ajouté que la résurrection du 13ème amendement et l’effort pour la mise en place d'un conseil intérimaire dans le Nord avaient été réalisés, à la demande de l'Inde.

"Nous ne pouvons pas les laisser faire. Le JVP mènera une campagne contre ce projet», a-t-il déclaré.

Il s’est adressé à l'assemblée et leur a demandé s'ils connaissaient leurs véritables ennemis. "Notre premier ennemi est la Norvège, ensuite Bruxelles, l'Union européenne, Washington, Tokyo et les autres pays occidentaux. Ils ont tous agi ouvertement contre nous. Il existe un autre ennemi caché : c'est New Delhi."

Le chef du groupe parlementaire JVP, Wimal Weerawansa, a poursuivi: «L'Inde n'aime pas voir la LTTE avoir le plein contrôle, mais en même temps elle ne veut pas que le gouvernement ait le contrôle."
Les déclarations des dirigeants du JVP nous rappellent les souvenirs de l’époque révolutionnaire.

Durant l'insurrection entre 1988 et 1990, le JVP avait menacé tous ceux qui achetaient ou vendaient les produits indiens. De nombreux commerçants avaient pris cet avertissement au sérieux et avaient même refusé de vendre des lentilles importées de Turquie, parce qu'elles étaient connues au Sri Lanka sous le nom de Mysore (la fameuse ville du Karnataka, Inde).

Cette position du JVP contre l'Inde est aussi retrouvée dans l’idéologie chinoise. Avant et pendant la première insurrection entre 1970 et 1971, la direction du parti avait organisé cinq cours d'endoctrinement pour ses membres, dont le premier s’intitulait "l'expansionnisme indien".

C'est ce que le chef fondateur du parti, Rohana Wijeweera, a affirmé dans sa proposition à la Commission de la justice pénale de Ceylan, après son arrestation.

« L'idée de l'expansionnisme indien a d'abord été proposée par le Parti communiste chinois. Le comité de rédaction du journal de ce parti, Renmin Rebao, a publié deux articles intitulés "la lutte à la frontière de la Chine et de l’Inde et la doctrine de Nehru". Ils ont fait un long exposé sur les besoins de la classe dirigeante indienne et sa philosophie de base, et avancé l’idée que les Indiens capitalistes visaient à propager leur dépendance économique et politique sur leurs petits voisins. Ce processus a été nommé l’expansionnisme indien. »

Le défunt leader du JVP avait fait une interprétation marxiste des craintes que connaissaient les dirigeants sri lankais, depuis l'indépendance en 1948. « Mais que peut faire le petit Etat sri lankais contre son puissant voisin? Nous avons perdu notre indépendance aux mains des Indiens, le jour où nous avons acquis notre indépendance de la Grande-Bretagne. »

Alors que le gouvernement a gardé le silence sur la dernière campagne anti-indienne du JVP, le principal parti d'opposition, le Parti National Uni, s’est empressé de défendre le rôle de l'Inde au Sri Lanka. L'UNP souligne la nécessité de l’implication de l’Inde dans la politique sri lankaise.
D’après Ameen Izzadeen, un journaliste sri lankais basé à Colombo

Publié dans Asie

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